Sa vie et ses oeuvres numérisées / Autres oeuvres numérisées |
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Les excentricités du génie de Victor Hugo,
jeune,
avaient enivré la jeunesse, ennuyée des vieilles rengainesde
la restauration.
On ne trouvait plus Chateaubriand assez romantique.
George Sand, Histoire de ma vie.
La jeunesse:
Je serais Chateaubriand
ou rien (1816)
Né à Besançon en 1802 en pleine épopée napoléonienne, Victor Marie Hugo admirait son père qui sera comte et général d'Empire (mon père, ce héros au sourire si doux). Il grandit sous le «triple rayon» d'une enfance de poète : un jardin, un vieux prêtre et sa mère [Sophie Trébuchet, 1772-1821] (Les Rayons et les ombres). Ses études dans l'un des meilleurs lycées de Paris (Louis-le-Grand) lui permettent de se faire connaître encore jeune avec son premier recueil de poèmes: Odes (1822), pour lequel il obtiendra une pension de Louis XVIII.
Adèle Foucher
(1805-1868)
6 Place des Vosges, Paris
Musée Victor Hugo
Victor Hugo, chef de file d'un groupe de jeunes écrivains (le Cénacle*), publie sa première pièce de théâtre en vers, Cromwell (1827) et affirme des opinions libérales. Y succèdent les Orientales (1829). Lors de la "bataille" d' Hernani , sa pièce de 1830, il est un porte parole du romantisme et se retrouve aux côtés de Gérard de Nerval et de Théophile Gauthier (si admiré de Baudelaire ) contre les tenants d'une tradition classique.
Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo (1773-1828),
général d'Empire et comte, gouverneur de
Madrid sous le roi Joseph Bonaparte,
il fut rétrogradé par ordre de l'Empereur
comme tous les officiers après la retraite d'Espagne.
L'un de ces demi-soldes ostracisés à
la Restauration, il écrivit les Mémoires du Général
Hugo.
C'est à la célébrité de son
fils qu'il dût de retrouver un grade d'officier général
et de sortir du besoin.
Troisième fils, après Abel et Eugène,
Victor deviendra vicomte après la mort d'Eugène en 1837.
«Dire: Napoléon, ou dire: Buonaparte, cela
séparait deux hommes plus qu'un abîme»
Victor Hugo, L'année 1817, in Les Misérables
III, chap. I.
Un château en Espagne
Dessin de Victor Hugo
Dévouer sa pensée : «ma règle, ma loi, mon principe et mon but»
Victor Hugo, on le sait, est le fils d'un général d'Empire, qui, comme presque tous, fut d'abord soldat de la Révolution. Quoi d'étonnant à ce qu'aux aspirations et à la gloire de ce récent passé il se sente appelé à répondre, par toutes les conquêtes de la pensée et de la plume? Élu à l'Académie française en 1841, Victor Hugo suit à sa manière d'illustres traces. Il publie en 1842 Le Rhin, lettres à un ami , relation d'un voyage effectué en 1840 dans la vallée du Rhin, où transparaît son idéal européen , encore frais des avancées napoléoniennes . Retour aux anciennes origines lorraines? Pélerinage sur les traces du père qui fut blessé devant Mayence dans l'armée du Rhin? Désir de revivre, en privé, l'aventure de ceux qui avaient «Chassé vingt rois, passé les Alpes et le Rhin, Et leur âme chantait dans les clairons d'airain !» [Waterloo, in Les Châtiments, livre V - L'autorité est sacrée 13 - L'Expiation II]? Entrepris lui aussi avec la complicité amoureuse de Juliette Drouet, comme le précédent voyage dans la vallée du Rhin, le Voyage vers les Pyrénées ( Alpes et Pyrénées ), effectué en 1843 sur l'autre frontière naturelle dépassée (son père commanda la province de Guadalajara et fut Comte de Siguenza), en constitue le pendant.
Debout, mais incliné du côté du mystère,
[...]
J'ai porté mon chaînon de la chaîne éternelle.
Veni, vidi, vixi, Les Contemplations, livre IV, 13
Seul sur cet âpre monticule
Manuscrit des Misérables de Victor Hugo (1862)
source: Bibliothèque Nationale de France
L'âge d'être grand-père?
Quand la liberté rentrera, je rentrerai.
Guernesey, 1859
Élu sénateur en 1876, il trouve encore l'énergie de continuer la Légende des siècles [1877, deuxième série ; 1883, troisième série], et de publier des poèmes: l'Année terrible (1871) et l'Art d'être grand-père (1877).
La Belle, le Chevalier et la Bête
Peinture sur bois par Victor Hugo
novembre 1861 [source : musée Victor Hugo]
«il nous disait comment le chevalier,
qui aimait la belle,
devait, pour se faire aimer d’elle, tuer le dragon et
lui en rapporter la tête.
Ajoutant la parole au dessin, il nous décrivait le combat
du chevalier avec le
monstre aux griffes crochues, dont la queue annelée se
tord de rage ; comment
l’amoureux, monté sur un oiseau fantastique, d’un
coup de lance dans la gueule,
avait tué le dragon. Puis, devant l’élégante
silhouette de la belle au profil
innocent et aux longs yeux d’orientale, il nous disait
l’ardeur du jeune guerrier
agenouillé, coiffé d’une capeline, cuirassé
de bleu et d’or, gorgerin et cuissards
enrichis d’arabesques ; et que cette fleur que tenait
la belle en un geste de
petite idole, était le symbole de l’amour pur qu’elle
donnait à son amant.»
Georges Hugo, Mon grand-père, Calmann-Lévy,
1902
Victor Hugo n'a pas participé à la Commune de Paris (1871), mais écrit en faveur de Louise Michel , l'héroïne qui fut déportée en Nouvelle-Calédonie. Républicain, adulé du peuple, son 80ème anniversaire (1882), qui fut l'objet de réjouissances nationales, préfigura le caractère grandiose de ses funérailles (1885) ainsi que son transfert au Panthéon dont la devise "Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante" s'applique si bien à lui et à celui qui partagera sa demeure pour l'éternité: Émile Zola .
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Notes
* groupe de jeunes écrivains : mentionnons Vigny, Lamartine, Balzac, Dumas, Musset, Mérimée, Nerval, Gauthier. Chateaubriand fit figure de père spirituel. La «bataille» d'Hernani fut gagnée, mais Hugo ne sera élu à l'Académie française avec l'appui de Chateaubriand et de Dumas qu'après de nombreuses tentatives. Retour au texte.
Les Contemplations
**** en retrait des affaires du monde : retrait ne signifie pas indifférence. De son rocher normand, Hugo critique Napoléon III. Puis, il prend parti pour la liberté en Crète, en Sicile, en Irlande et en Pologne. Il partage avec Thoreau l'honneur de s'élever contre l'esclavage à propos de l'affaire John Brown, aux États-Unis. Il intervient auprès de Juarez pour sauver Maximilien au Mexique en 1867. Pacifiste et internationaliste, il plante à Guernesey un chêne baptisé par lui : Chêne des États-Unis d'Europe. Il jouit cependant à Jersey puis à Guernesey de tout le temps nécessaire à son oeuvre. Retour au texte.
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Extraits
«Laissez-moi me pencher sur cette
froide pierre
Et dire à mon enfant : Sens-tu que je suis là?»
Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin;
Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère;
Elle entrait et disait : -Bonjour, mon petit père;-
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe.
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,
Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée,
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.
Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
Et c'était un esprit avant d'être une femme.
Son regard reflétait la clarté de son âme.
Elle me consultait sur tout à tous les moments.
Oh! que de soirs d'hiver radieux et charmants,
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère
Tout près, quelques amis causant au coin du feu!
J'appelais cette vie être content de peu!
Et dire qu'elle est morte! hélas! que Dieu m'assiste!
Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste;
J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.
Novembre 1846, jour des morts.
Les Contemplations
, livre quatrième, Pauca Meae, V
extrait des Misérables en real audio
Grands esprits contemporains
page modifiée le 9 mars 2008